Le sculpteur Robert MÜLLER, né à Zurich en 1920, se dresse avec une incomparable envergure plastique et poétique sur la scène parisienne, et donc européenne, des années cinquante et soixante.
Dés 1978, il rompt avec la sculpture et s'exprime exclusivement par le dessin (rétrospective au Musée Rath en 1979) et par la gravure (qui avait pris son essor dés 1953), dont le Cabinet des estampes (Genève) a montré le premier panorama en 1982.
Près de quinze ans plus tard, une nouvelle présentation de l'oeuvre imprimé, consacrée à la centaine de pièces de la période écoulée, permet de mesurer mieux encore la singularité de Robert MÜLLER, qui grave autant sur bois qu'il incise et découpe des films destinés au transfert sur zinc par insolation (les épreuves ont toutes l'aspect de lithographies).

Partant comme à l'accoutumée de dessins souvent plus anciens, le « tailleur de moules »; délivre une lecture plus nette de l'image, il en objective la structure et pousse vers un chant de la ligne dépouillée des accidents de la plume et du brou de noix caractéristique par exemple des dessins rapportés chaque année de Crète. Comme en contrepartie, Robert MÜLLER joue au tirage des plaques de la qualité variable des papiers, des encrages colorés, des formulations en positif et en négatif. Qu'il s'agisse de formes emblématiques (et abstaraites ou ornementales), d'animaux, de scènes de village grec, de personnages notés comme autant de portraits, il y a toujours cher Robert MÜLLER quelque chose de chiffré (qui sied depuis les origines à la gravure) et de discursif : l'image n'appartient jamais à un seul registre. Les figures de villageois renvoient aux traits de caractères, telle position typique dénote drôlerie et pointe grinçante, le geste codé donne accès aux nombreux théâtres humains (et pas seulement à ceux de l'Eros, toujours présent). Stylistiquement, l'art de Robert MÜLLER graveur (et dessinateur) s'enrichit d'une savant reconnaissance de la xylographie incunable (mais justement dans ce que le XVe siècle a de différent de l'imitation de la Rennaissance) et d'un imaginaire primesautier qui regarde vers les arts populaire et brut. Le langage de Robert MÜLLER, captivant et incommode, qui prends plaisir - secrète fidélité à la sculpture ! - à réintroduire de l'énergie archaïque dans la culture, atteste une immense liberté vis-à-vis des canons et la capacité d'affirmer un Kunstwollen dans cette région peu encombrée des créateurs de premier rang (Rainer Michael Mason).